Court reportage sur l’extrême-droite en Andalousie

Nous reproduisons ce court reportage de TV5 Monde, diffusé par la RTBF, qui revient sur le parti d’extrême-droite VOX en Andalousie et sur quelques réalités concrètes.

Pour voir le reportage vidéo (4 minutes) cliquez ici


La pointe andalouse ressemble à une mer de plastique. A perte de vue, des serres où, été comme hiver, poussent les légumes des supermarchés européens. Aux dernières élections, l’extrême droite y a fait une percée historique sous la bannière du parti Vox. Un paradoxe quand on sait que sans main-d’œuvre étrangère, l’eldorado andalou n’aurait jamais pu exister.

En février dernier, le parti Vox a inauguré son nouveau bureau à El Ejido. Un beau 4 pièces en centre-ville. Une inauguration remplie d’ambition et d’espoir. En décembre ce parti d’extrême droite a obtenu ici 30% aux élections régionales andalouses. Alors maintenant l’objectif affiché est ambitieux, conquérir la mairie voisine. Les invités posent devant une mise en scène de légumes, tomates courgettes et autres concombres. La scène peut paraître incongrue mais les cultures maraîchères sont la fierté et la richesse de la région. El Ejido est au cœur du potager de l’Europe, de la fameuse mer de plastique.

Juan José Bonilla est le coordinateur local de Vox. Il est avocat de profession mais aussi agriculteur comme son père. Les courgettes andalouses inondent les supermarchés européens, les petites mains qui les ont récoltées sont celles de travailleurs migrants venus du Sénégal.

Or Vox est connu pour son discours anti-migrant. Un temps le parti a annoncé son intention d’expulser 52.000 d’entre eux, des illégaux… Irréalisme, suicidaire dans cette région qui vit grâce aux migrants. Face aux réalités du terrain et du business, le discours est plus doux. « L’idée n’est pas que Vox arrive et mette tous les immigrants illégaux dans une fourgonnette ou un bus et les éjecte. » explique Juan Jose Bonilla. « Les migrants sont nécessaires ici mais ce qu’il faut c’est réguler l’immigration. Le problème est qu’il y a beaucoup de main-d’œuvre qui n’est pas régularisée, sans papier et l’objectif de vox est de régulariser cette main-d’œuvre, d’amener des contingents de main-d’œuvre dont on a besoin avec ses permis de travail son contrat son logement et tout en règle. L’immigration sans contrôle cela entraîne une grande insécurité. » Attendus sur la question, les militants de Vox manient avec précaution le sujet de l’immigration. « Il n’y a pas de rejet » justifie Juan Jose Bonilla.

Difficile de se faire une place

Au rond-point de San Isidro non loin d’Almeria, chaque matin on assiste au même rituel. Les travailleurs migrants attendent un potentiel patron pour une seule journée de travail. Certains repartent bredouille, d’autres s’engouffrent dans la camionnette. Les plus anciens sont connus, pour les nouveaux arrivés il faut se faire une place. Officiellement le salaire minimum est de 6,90 euros de l’heure… officiellement car quand on n’a de papier, la journée de travail peut être facturée une trentaine d’euros. Un jeune migrant arrivé depuis quelques mois du Sénégal ose témoigner. S’il est ici c’est pour aider sa famille restée au pays, mais c’est dur. « Je suis venu en zodiac. Je suis passé par le Maroc. Les gens qui arrivent ici ils n’ont pas de papier, ils n’ont rien. Il n’y a plus de travail et le travail il est très peu payé » explique-t-il.

José Garcia Cueva, le syndicaliste, connaît bien ce qu’endurent ces travailleurs. Tract à la main, Code du travail comme argument, il encourage les migrants légaux ou non à défendre leurs droits. Le succès de Vox ne l’a pas étonné, le terreau était fertile dans la région. Mais y a-t-il réellement des raisons de craindre un ancrage durable de Vox et de sa politique. Et si Vox passait aux élections législatives, municipales et mettait en applications ses idées… Quelles conséquences ? « Ils se tirent une balle dans le pied. Appliquer ce qu’ils sont en train de défendre signifie que ce grand business, qu’ils ont monté avec une main-d’œuvre précaire, s’écroulerait. Ce système fonctionne parce qu’il y a des milliers de travailleurs qui vivent dans des conditions très difficiles et donc du coup c’est une situation facile pour être exploités. »

Esclavagisme moderne

Ils seraient ainsi 40.000 à vivoter jusque dans des bidonvilles les chabolas, dans l’espoir d’obtenir des papiers. Certains iraient même jusqu’à payer pour que le patron leur donne un contrat, sésame vers une régularisation rêvée. Trois ans de présence prouvée sont nécessaires, 3 années de labeur pour tenter d’avoir une régularisation. Alors chaque migrant accumule les maigres preuves qu’il peut récupérer.

Isidro est retraité, avant il tenait une loterie… Sur les conseils de son fils, il s’est décidé à s’impliquer pour le parti Vox pour, dit-il, défendre la « vraie Espagne », l’Espagne unie contre les indépendantistes, contre les formations politiques le parti populaire, Podemos ou Ciudadanos. L’Espagne fière aussi.

Il affirme que Vox n’est pas d’extrême droite mais d’extrême urgence. Quant à la question des migrants, il met en avant la sécurité. Pour lui en embauchant un clandestin, l’agriculteur andalou ferait presque un geste pour la communauté. « L’agriculteur lui offre un salaire digne pas un petit salaire comme ça et il prend des risques qu’un inspecteur du travail surgisse et le sanctionne. » explique Isidro Ferrio. « Mais si tu ne lui donnes pas ce salaire il va être délinquant dans la rue je crois que c’est mieux de s’occuper d’eux que de les laisser sans aucune protection dans la rue et qu’il devienne délinquant. »

Mais les frontières pour lui sont sacrées, l’âme espagnole aussi. « Ici on ne veut pas 52.000 migrants juste pour les accueillir, leur donner de l’argent, un toit. C’est impossible de maintenir ça. L’Espagne n’est pas prête pour ça. »

Il y a 20 ans déjà

Fin des années 90, des émeutes anti Marocains avaient éclaté à el Ejido suite au meurtre d’une Espagnole par un déséquilibré. S’en était suivie une véritable chasse aux Maures. Tous ici s’en souviennent. Aujourd’hui les langues se délient, les propos se radicalisent de nouveau.

Spitou Mendy est un témoin des deux décennies passées, 18 ans qu’il vit et travaille dans la région. Il était enseignant au Sénégal. En Andalousie, il est agent social et employé agricole dans une serre. Au contact des patrons, des habitants, il constate l’hypocrisie régnante et dénonce l’ignorance des électeurs. Les migrants sont, pour lui, des bêtes de somme. « Nous n’avons jamais cessé d’attirer l’attention de nos voisins, des acteurs sociaux, pour leur dire que si nous ne prenons garde El Ejido 2000 va se répéter » explique l’agent social. « Il y a un racisme latent, un dédain fort de certains bien nés, qui font que la main-d’œuvre qui est là dérange. Cette main-d’œuvre est envahissante, désirable uniquement quand il faut entrer sous la serre. Après les serres, il faut se cacher. »

Un adage ici dit qu’à 8 heures du matin les migrants sont les bienvenus, et qu’à 8 heures du soir on ne veut plus voir… Alors c’est dans ces cafés africains qu’ils regardent le foot espagnol comme les Andalous et soutiennent les clubs ibériques pour la beauté du sport.

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