Alain Destexhe a décidé de quitter le MRde pour créer un parti à son nom à quelques mois des élections fédérales, régionales et européennes de mai 2019. Si le choix du moment n’est pas du au hasard, une autre raison l’a motivé : Destexhe vient d’avoir soixante ans, ce qui lui permet de toucher la pension complète en tant qu’ancien parlementaire. En bon opportuniste qu’il est, ne devant plus rempiler un mandat « alimentaire », il s’est dit que c’était le bon moment de se lancer puisqu’il n’a plus besoin de la sécurité électorale du MR. Fini le rôle de second couteau pour racoler les voix très à droite, c’est le moment de quitter le navire après plus de vingt ans de mauvais services. Mais qui est-t’il ? Qui le soutient et qui l’a déjà rejoins ? Décryptage.
La liste « Destexhe » : de la droite dure à l’extrême-droite en passant par la droite ultralibérale
L’entreprise d’une telle liste était pensée depuis un bon moment. En effet, des rendez-vous avaient déjà été pris avec certains partis politiques comme le Parti Populaire. Celui-ci aujourd’hui fulmine de cette sérieuse concurrence, d’être le dindon de le farce alors que la liste Destexhe négociait secrétement avec d’autres listes d’extrême-droite et qu’elle se présente sur le même terrain électoral. Destexhe déclarant n’« avoir jamais envisagé » une collaboration avec le PP, le président de ce dernier, Modrikamen, enrage : « Quelles hypocrisie de dire cela ! Il n’assume pas ! » et dévoile une partie des accords proposés : « Destexhe nous a proposé tout de même de nous entendre éventuellement sur les apparentements, de constituer un groupe commun au parlement à l’avenir, voire de nous partager la campagne, lui sur Bruxelles, nous en Wallonie, et il n’avait même pas exclu de nous rejoindre éventuellement comme candidat d’ouverture sur une liste PP… ». Aujourd’hui, Modrikamen et sa femme dénoncent un ex-membre du PP (André Pierre Puget) qui en contacte les membres actuels pour les inviter à rejoindre la liste Destexhe.
Même bisbille avec le parti « La Droite » qui déclare que « fin décembre 2018, à la demande du sénateur Alain Destexhe, la présidence de la Droite s’est engagée à ce que le parti ne dépose pas de liste à l’élection régionale bruxelloise dans le cas où il déciderait de quitter le MR et de déposer une liste à son nom. ».
Bref, la liste n’était même pas encore annoncée que les jeux de couloir se tramaient déjà.
Depuis l’annonce de sa sortie, un certain nombre de personnes et de partis ont annoncé leur soutien voire ont déjà rejoint la liste Destexhe.
Parmi les membres du MR, Aymeric de Lamotte et Victoria de Vigneral, deux jeunes loups ayant critiqué la direction du MR dans une carte blanche quelques temps auparavant. On retrouve également Sophie François, ancienne échevine uccloise non réélue en octobre 2018, ainsi que Patricia Potigny (députée régionale MR). Citons également, le polémiste libéral proche du MRde Drieu Godefridi, qui avait soutenu plus tôt Alain Destexhe dans une carte blanche pour qu’il puisse prendre la tête de liste pour le MR à Bruxelles. Si Alain Destexhe lui a bel et bien proposé de rejoindre sa liste, Godefridi est également disputé par le MR et le Parti Populaire qui le veulent sur leurs listes.
Parmi l’extrême-droite, la droite conservatrice et les ultra-libéraux, citons l’UDD qui est un parti politique regroupant le parti d’extrême-droite JEXISTE de Puget (ex-PP et ex-La Droite) ainsi que Ensemble Citoyens de Benoit Legros. Citons encore le groupuscule NVWA lancé par un ancien militaire voulant lui aussi créer une NVA Wallonne. Et pour finir les sectaires du parti Libertarien défendant un ultra-libéralisme du Marché tout puissant. Tous ces partis ont déjà rejoint la liste Destexhe. Parmi l’extrême-droite toujours, d’autres anciens du PP l’ont rejoint (dont Jérôme Munier), ainsi que le débile Claude Moniquet (ancien barbouze pour l’État français, sous-merde incompétente soi-disant spécialiste de l’antiterrorisme).
Pour conclure, la liste Destexhe a fait un certain effet à l’extrême-droite entre ceux qui voient cela d’un mauvais œil (le PP, NATION) puisque ça risque de les enterrer électoralement, ceux qui calculent (La Droite, par exemple) et ceux qui ont décidé d’y adhérer. Le “politiquement correct” exigé en interne – alors que Destexhe a fait son lit sur l’attaque au “politiquement correct” – risque de lui poser quelques problèmes…
Alain Destexhe
Sénateur pour le parti réformiste libéral (PRL, ex-MR) depuis 1995 et polémiste médiatique, il se fait connaître suite à l’émission « Strip-Tease » où est présentée une mission parlementaire belge en Corée du Nord. Alain Destexhe se fait connaître par la famille de Kim Jong, drôle non ? Parlementaire, il multiplie les interventions concernant les roms, l’absentéisme des fonctionnaires, l’absentéisme des étudiantEs musulmanEs, l’hijab, l’enseignement de la colonisation du Congo, les problèmes de l’enseignement dans les « ghettos bruxellois », etc. On ne compte plus non plus les déclarations facebookiennes et polémiques qu’il a suscité. Se défendant évidement de tout racisme, en mettant sans cesse en avant qu’il a fait partie de Médecins Sans Frontières (MSF). Vous voyez bien que je ne suis pas “méchant” dira-t-il, d’un ton geignard dans la presse. Mais là où il se prend une claque, c’est quand MSF indique lui avoir « déjà demandé à diverses reprises de ne pas faire référence à son passé avec MSF pour justifier ses propos ou défendre des politiques (…) les thèses défendues par M. Destexhe (…) ne peuvent en aucun cas engager MSF et nous souhaitons nous en distancer ». Encore plus tordu lorsqu’on sait que Destexhe salue les politiques fascistes de Salvini qui consiste, par exemple, à empêcher l’Aquarius (navire de MSF et de SOS Méditerranée) de secourir des personnes migrantes en mer.
Ultra-libéral corrompu et ami des dictateurs
Alain Destexhe a une admiration de longue date pour les régimes autoritaires qu’il fréquente et soutient à partir d’asbl, de clubs, etc. Que ce soit la Syrie de Bashar al-Assad qu’il va voir sous invitation des régimes syriens et russes, que ce soit le régime de Paul Kagame au Rwanda connu pour ses assassinats et les disparitions politiques ainsi que l’usage généralisé de la torture, Destexhe est de la partie tant que cela rapporte. Ce soutien au régime Kagame lui a valu, entre autres choses, d’acquérir la nationalité rwandaise pour « services rendus ». Ce n’est pas le seul régime corrompu d’Afrique à avoir ses faveurs. C’est également le cas du Tchad avec l’affaire Semlex décryptée par le journal Médor.
Bref, peu importe les crimes d’Etat tant que le régime est autoritaire et “libéral” (entendre, corrompu et au service du néocolonialisme pour les plus riches). Il faut dire qu’il ne se cache pas de cet héritage néolibéral, celui de l’économiste autrichien Hayeck et acteur du coup d’état fasciste chilien, privilégiant « une dictature libérale plutôt qu’un gouvernement démocratique manquant de libéralisme » (1). Ce coté néolibéral-conservateur a plu au think tank libertarien, Nova Civitas, duquel il reçut « le prix de la liberté ». Ça vaut pas le nobel, mais bon le prix d’un groupe proche de la NVA, de la LDD (Liste Dedecker) et du Vlaams Belang c’est déjà ça.
Encore une dernière histoire, et pas des moindres, ce que la presse a nommé le « Azergate ». Dans la continuité des amitiés lucratives d’Alain Destexhe avec les régimes autoritaires, l’un a fait grand bruit : la création d’une asbl financée par l’État d’Azerbaïdjan afin de délivrer des informations positives sur différentes élections dans le pays utilisées à des fins de propagande pour le régime. Loin d’être un phénomène isolé, cette asbl prenait place dans une vaste entreprise de lobbying pro-azéri, en particulier de son président Ilham Aliyev, ayant des ramifications jusqu’en Allemagne. Le journal patronal « L’Echo » relève ainsi qu’un politicien conservateur allemand, Eduard Litner, était à la tête de cette vaste campagne de corruption très rentable dont Destexhe et Stef Goris (ancien parlementaire du parti ultra-libéral et populiste « Liste Dedecker ») étaient les principaux bénéficiaires en Belgique. Destexhe ne peut plus foutre les pieds, à vie, au Conseil de l’Europe suite à cette affaire.
Cumulard politicard
Destexhe est coutumier de changer régulièrement de commune pour les élections locales, cumulant ainsi cette fonction (qui est, pour lui, davantage un gagne pain) avec son rôle de parlementaire. Ce « tourisme électoral » et ses polémiques ont fait grincer des dents au sein même du Mouvement Réformateur. Après de nombreux atermoiements, le MR d’Ixelles décide de l’exclure des listes pour les élections communales de 2018. C’est ainsi que Yves de Jonghe d’Ardoye d’Erp, l’échevin MR de la Culture à Ixelles, déclara à La Libre : « Pendant la campagne, il avait lancé des attaques contre les échevins MR déjà en place et contre le PS avec qui nous sommes en majorité depuis 2006. Il est coutumier de ce genre de coups médiatiques : il crée une polémique, il se bagarre, puis il disparaît dans la nature. Au conseil communal, il vient une fois sur trois, signe le registre à 20h30 et part à 21h. On en a ras-le-bol des types comme ça. Partout où il est passé, Bruxelles-ville, Auderghem… il a laissé de très mauvais souvenirs. ». Piqué sur son absentéisme, Destexhe répond à un journaliste de RTL : « (…) siéger pendant des heures dans un conseil pour ne pas apprendre grand-chose, ce n’est pas ma tasse de thé. ». Intéressant comme usage des jetons de présence… L’exclusion des listes MR pour les élections communales décidée par la locale du parti passe mal pour Destexhe, surtout qu’il se voyait déjà porter l’écharpe maiorale. En bon combinard qu’il est et réitérant la formule d’Auderghem, il menace de constituer une liste indépendante libérale pour Ixelles. C’est le bureau central du MRde qui le réintègre au sein de la liste communale MR à la dernière place. Fin de la blague ? Non. Finalement, il se désiste de la liste, en pleine tempête « Azerigate », au nom d’un « problème médical ».
Polémiste de salon
Durant la vingtaine d’années en tant que parlementaire, ce n’est pas son travail qui fut remarqué mais bien sa com’. En effet, durant tout ce temps, il a multiplié les provocations xénophobes qui, à l’instar d’une mauvaise série typiquement belge, se finissait en de mous « recadrages » inutiles.
Exemples de polémiques Destexhiennes :
– Janvier 2012, la station prémétro Horta à Saint-Gilles est retrouvée entièrement taguée. Destexhe y va de son commentaire sur Facebook : « Marion, tes amis norvégiens ont encore frappé », s’adressant à l’élue MR Marion Lemesre et faisant allusion à des auteurs supposés d’origine nord-africaine. Tollé général, même au sein de son propre parti de merde. Invité à s’expliquer, Destexhe réplique, agacé : « Foutez-moi la paix! C’est une private joke avec une amie. Et puis, si j’ai envie de penser que ce sont des Norvégiens qui ont fait le coup, cela me regarde ! ». Y’a du niveau…
– 21 Juillet 2015, suite à un reportage de la RTBF pour la fête nationale belge, Destexhe s’insurge de l’interview d’une femme voilée. « La seule personne interrogée par la RTBF dans le cadre de la fête nationale est une femme voilée, qui dit du bien de la Belgique. On vit dans un pays magnifique, pas du tout politiquement correct ! ». Il se justifie dans le meme post : « C’est un peu comme si lors de la fête nationale congolaise on interviewait un blanc seul. » Bref, une sortie islamophobe et une justification raciste. Le MR « recadre » pour une ixième fois Destexhe.
– 8 Octobre 2018, Destexhe invite le polémiste d’extrême-droite Zemmour au très droitiste cercle franco-belge « Pol Vandromme ». Ce club organise des rencontres au sein de la bourgeoisie dans un hotel huppé ixellois où se bouscule la faschosphère intellectuelle et politique d’extrême-droite. La rencontre était également le moment de faire la promotion de la revue phare d’extrême-droite française « Eléments pour la Civilisation Européenne » d’Alain de Benoist. On avait préféré sa polémique sur le Toblerone hallal qui était nettement plus drôle…
(1) Hayek in « Leader and Master of Liberalism », René Sallas, El Mercurio, 12 avril 1981, p. D8-D
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